Comme tous bons touristes, notre
court séjour à Toronto nous a permis d’aller visiter un site incontournable Ontarien, et même de toute l’Amérique du Nord : Les chutes du Niagara.
On a choisi d’y aller en bus, par l’intermédiaire d’un tour
opérateur Chinois, qui faisait le trajet d’un Hôtel de luxe au centre de
Toronto au plus grand Casino de la ville de Niagara Falls.
On ne savait pas vraiment comment allait se passer le
voyage, combien de temps on allait rouler, ni où se trouvait le fameux site,
mais on s’est assis dans le bus rempli de riches asiatiques sans trop se poser
de questions. L’hôtesse –chinoise elle aussi – donnait plein de consignes, et honnêtement, on
comprenait son anglais aussi bien que son chinois, c’est-à-dire pas du tout. On
a vaguement entendu le code Wi-fi du bus, le montant qu’on devait payer (15 $
chacun) et trois ou quatre fois le mot « casino ».
L’heure quarante-cinq de trajet a été relativement rapide,
nos pensées tournoyant autour d’eau bleue, de nature, et d’expédition. C’est
maintenant, avec le recul, que j’aurais du titlter plus tôt. J’aurais dû
comprendre, en voyant les autres touristes sans sac à dos, en robes, jupes,
voir talons aiguilles, qu’on ne partait pas pour une randonnée sauvage.
Je vous explique comment moi, petite européenne nullissime
en géographie, j’imaginais l’endroit dont tant de fois j’avais entendu le nom,
des Chutes du Niagara. J’imaginais un fleuve perdu en pleine nature, un accès
difficile et après une bonne heure de marche sous un soleil étourdissant, l’émerveillement
d’avoir devant soi les chutes les plus importantes du monde. Nous avions
préparé des sandwichs, pris de la crème solaire, nous étions habillés comme des
Indiana Jones des temps modernes, avec caméra et appareils photos qu’on avait
rechargés avec soin, et je me demandais déjà si on trouverait un bout d’herbe
pour pouvoir pique-niquer, sur la montagne qui nous faudrait gravir pour
observer les chutes.
Le bus s’est enfin arrêté sur le parking du Casino, des tas
de gens sont descendus, et on est resté dedans, en se demandant à quel moment
on redémarrerait pour s’exiler en pleine nature. Finalement, l’hôtesse nous a
demandé de descendre, peut-être devait-on changer de bus ?
Dans le casino, le personnel a contrôlé nos passeports et
notre paiement, puis on nous a donné rendez-vous à 17h pour repartir à Toronto. Pardon ?
On s’est regardé, sans comprendre, puis on s’est éloignés un peu. C’est là que
j’ai vu le plan du site : Welcome to Niagara Falls !
Vite envolée ma belle vision, la réalité m’est apparu comme
une gifle. Un funiculaire à 5$ pour descendre au plus près de la cascade,
sinon, un détour d’au moins vingt minutes à pieds. Des tas de touristes
agglutinés aux barrières de sécurité, appareils, téléphone, caméras à la mains,
inquiets d’enfermer une minuscule parcelle de leur expérience dans leur
boîtiers électroniques. Des bousculades, des hurlements, pour avoir la
meilleure vue. A l’arrière-plan, une ville ultra capitalisée, pleine de casinos,
d’hôtels de luxe vantant la meilleure fenêtre sur la chute, des restaurants et
fast-food à n’en plus finir. Des dizaines de boutiques de souvenirs, allant
jusqu’à imprimer « Niagara Falls » sur des paquets de chips, pour peu
que ça soit plus vendeur. Pire que ça, une ville foraine, espèce de foire
sédentaire, appelant à la surconsommation. Une ville exagérée à l’Américaine,
qui veut en mettre plein la vue, mais dont le souvenir me paraît assez
pitoyable. Les chutes du Niagara, c’est le Las Vegas des petits budgets.
Quelle déception. Inutile de dire que l’enchantement n’a pas
fonctionné sur moi, et que mon imaginaire s’est fané avant même que j’ai le
temps de dire Niagara. La surexploitation d’une ressource naturelle aussi impressionnante
que ces chutes m’a écœurée. Le pire, ce doit être les compagnies qui se font
des millions de dollars sur le dos des malheureux touristes avides de
sensations, en offrant des croisières « au plus près » de l’eau à des
prix exorbitants. Ces gens-là vous volent pour des « souvenirs
impérissables ». On a catégoriquement refusé d’ajouter de l’eau au moulin
de leur escroquerie, en se contentant de regarder la chute simplement avec nos
yeux, prendre quelques photos qui ne refléteront de toute façon pas sa beauté,
et sans acheter le moindre souvenir.
Pourtant, malgré mon effarement, je ne peux pas dire que
cette journée n’était pas belle. Lorsque sous mes yeux, des milliers de litres
d’eau d’un bleu turquoise se déversaient sans être pour le moins perturbés par ses
centaines d’admirateurs, je me disais que j’avais une chance folle de pouvoir
en être témoin. C’est clairement impressionnant ce que la nature est capable de
faire, et la manière qu’elle a de nous émerveiller.
Il y a des endroits, sur
cette terre, qu’il ne faut pas rater, et je pense que les Chutes du Niagara en
font partie. Mais malheureusement, je ne suis pas la seule à le penser, et le
capitalisme l’a très clairement compris. La nature n’est plus seulement une
ressource naturelle, la culture de l’argent en fait une ressource financière,
et que vous le vouliez ou non, l’envie de voir un site naturel incroyable fera de
vous un acteur de sa monétisation.
C'est à se demander ce qui coule le plus au chutes du Niagara, l'eau ou l'argent ?
Article et photos : Mademoiselle OUaT
Article et photos : Mademoiselle OUaT